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S'affirmer malgré la peur de déplaire

S’affirmer même si on risque de déplaire peut nous demander beaucoup de courage, selon l’importance de la situation ou de la relation dans laquelle on doit le faire. Même les personnes les plus confiantes en apparence peuvent vivre des moments où elles se sentent vulnérables à l’idée de s’affirmer.

Par Marie Portelance

Toutefois, s’affirmer est un besoin fondamental chez tout être humain et il y a des conséquences à ne pas s’affirmer de façon régulière dans une relation. Des conséquences pour nous et pour la relation. Alors, comment peut-on se motiver et s’outiller pour passer à l’action plus facilement et surtout pour s’affirmer en ayant le plus de chances d’être bien accueilli et bien reçu?

S’affirmer, c’est exister authentiquement
S’affirmer, c’est exister avec authenticité en relation avec les autres. C’est d’abord accorder une valeur et une légitimité à nos sentiments et notre ressenti, à nos besoins et nos limites, à nos goûts, nos valeurs et nos opinions. C’est en deuxième lieu les exprimer aux autres, dans les moments opportuns.

L’acte d’affirmation dans le respect de soi et de l’autre est un acte de fidélité à soi. Ne pas se renier soi-même, c’est avoir l’autonomie de prendre soin de soi en relation, sans attendre que les autres le fassent à notre place. Cela nous permet de sentir que nous avons du pouvoir sur notre vie.

S’affirmer, c’est par exemple dire non à une demande quand elle ne nous convient pas, ou donner notre opinion alors qu’elle est différente de celle de notre interlocuteur. Nous assumer dans une valeur et dans l’application de celle-ci dans notre vie, nous montrer dans une zone sensible et vulnérable, exprimer un besoin affectif précis à l’autre ou lui poser une limite.

Selon nos expériences passées dans la même situation ou dans la même relation, selon nos zones de vulnérabilité et de confiance en soi, selon l’enjeu que représente pour nous le fait de nous exprimer dans la situation, nous aurons plus ou moins de résistance à passer à l’action.

La peur de s’affirmer, c’est humain
Avoir peur, ce n’est pas être faible, c’est être humain. Il est légitime d’avoir peur, par exemple, de ne plus être aimé par notre conjoint et de le perdre si on lui déplait, si on le dérange. Il est normal d’avoir peur d’être jugé si nous avons une opinion différente de celle d’une personne importante pour nous. On a le droit de résister à s’affirmer par peur du conflit ou de perdre l’harmonie par peur du rejet, d’être mis de côté, d’être ridiculisé, etc. C’est humain de craindre de se montrer authentique, vulnérable, émotif, ou ayant besoin de l’autre, surtout dans les relations où nous n’avons pas encore de sécurité affective.

Par contre, si nous nous freinons constamment avec nos peurs, nous n’arrivons jamais à passer à l’action, ce qui génère des conséquences néfastes pour la relation et pour nous-mêmes.

Les conséquences du manque d’affirmation
La première conséquence, c’est qu’à chaque fois que nous ne nous affirmons pas, alors que ce serait important de le faire, nous nous trahissons nous-mêmes, nous nous renions dans notre vérité. Se taire ainsi génère souvent un mal-être de plus en plus intense, ressenti sous forme de boule d’angoisse ou de stress, parce qu’on ne sait jamais si on est aimé vraiment et parce qu’ainsi, on ne sent pas le pouvoir qu’on a sur notre vie.

Ce manque d’affirmation, à la longue, nous enlise de plus en plus dans un manque d’estime de soi, un manque de confiance en soi, une insécurité affective et rend de plus en plus difficile l’affirmation de soi dans cette relation. Petit à petit, on s’éteint et on perd notre lumière avec l’autre, ce qui entraîne évidemment des conséquences relationnelles.

Au début, ne pas s’affirmer dans une relation, c’est tolérable. Mais rapidement, cela devient intolérable. Même si on se tait et qu’en apparence tout semble bien aller, même si on pense qu’on préserve la paix entre nous, un fossé se creuse doucement entre soi et l’autre. Et inévitablement, on s’éloigne de plus en plus sous l’effet de l’insatisfaction générée par le manque de fidélité à soi dans cette relation. Aussi, nos frustrations qui s’accumulent se manifestent souvent sous forme de reproches ou de «craques» qu’on envoie à l’autre, par des réactions défensives d’attaque ou encore par des manifestations d’impatience, ce qui n’a rien de constructif pour la relation, au contraire. Le manque d’affirmation saine dans les relations est une des plus grandes causes des crises de couple ou même des séparations. «Ironiquement, on se tait pour ne pas perdre et on perd parce qu’on s’est trop tu», comme le dit Colette Portelance, créatrice de l’ANDC.

Comment se motiver pour dépasser nos peurs?

La peur freine, le besoin motive
La peur, bien que normale, nous freine. Au contraire, le besoin, c’est notre motivation, donc, c’est l’élan qui nous pousse vers le passage à l’action. Quand on est trop envahi par des peurs, se brancher sur le courant de nos besoins nous donnera la poussée qu’il faut pour sortir de notre paralysie. Mais quels sont les besoins que nous comblons par l’affirmation? J’y répondrai par un exemple personnel.

Je me souviens de la première fois où j’ai eu à m’affirmer avec mon conjoint, au sujet d’un inconfort que je ressentais souvent et surtout d’un besoin précis que j’espérais pouvoir combler avec lui. Je me sentais vulnérable et j’avais peur de me montrer à lui ainsi. Dans une nouvelle relation, la sécurité affective n’est pas installée, alors j’avais peur de lui déplaire, de le déranger, d’être rejetée et plus aimée. J’ai attendu des semaines et même des mois avant d’avoir le courage de parler. J’avais mal au ventre tellement j’avais peur, alors que je suis capable de m’affirmer facilement dans d’autres situations. Plus j’attendais, plus ces peurs augmentaient et plus de nouvelles peurs s’ajoutaient.

À force de ne pas dire, je m’éloignais de mon amoureux, car les occasions qui provoquaient mon inconfort avec lui s’additionnaient, mon malaise prenait de l’ampleur, je m’éteignais moi-même et mon cœur se fermait petit à petit à lui. Je ne voulais pas laisser mon manque d’affirmation m’éloigner de lui. J’avais donc comme moteur le besoin, entre autres, de me rapprocher et de faire ce qu’il fallait pour construire une relation solide entre nous.

Dans cet exemple, d’autres besoins plus précis s’ajoutaient: retrouver la paix et le calme en moi, bâtir ma sécurité affective avec lui en prenant le risque de déplaire en m’affirmant, être libre et authentique avec lui, et finalement le besoin de m’offrir du respect en lui montrant une zone très sensible en moi à laquelle j’avais besoin qu’il fasse attention d’une manière bien précise.

Les peurs ne partent pas toutes seules ou avec le temps. Un jour, il faut sauter et risquer, avec les peurs, malgré les peurs. C’est en me centrant sur mes besoins cités plus haut que j’ai pu sortir de la paralysie. Une fois le premier pas de l’affirmation fait, un grand soulagement s’est fait ressentir en moi et très rapidement, le rapprochement, la sécurité affective, la liberté d’être et la solidité se sont manifestés dans notre relation, comme souhaité. Et le respect que je me suis donné en donnant de la légitimité à ma zone sensible et au besoin qu’il y fasse attention a attiré son propre respect envers moi à cet égard.

S’il est extrêmement important de s’affirmer, il est toutefois essentiel de ne pas le faire de n’importe quelle façon, si on veut favoriser la bonne réceptivité de l’autre.

S’affirmer oui, mais comment?
L’affirmation de soi est un art. Soigner notre façon de nous exprimer est essentiel pour être bien compris et bien reçu.

Les cadeaux de l’affirmation
Comme il serait merveilleux que notre patron reconnaisse notre travail à sa juste valeur tout naturellement, ou que nos adolescents arrêtent de nous parler avec arrogance, ou que notre conjoint devine notre besoin de tendresse ou notre épuisement et qu’il fasse le souper sans qu’on lui demande, que notre sœur fasse attention de ne pas nous blesser par ses reproches, etc.

Oui, comme ce serait merveilleux, mais la vie relationnelle n’est pas magique. Personne d’autre que nous n’a la responsabilité de s’occuper de nos besoins avec bienveillance et légitimité. S’affirmer, malgré la peur de déplaire, demande du courage, mais le risque vaut la peine d’être pris. Parce que même si l’autre ne réagit pas exactement comme on le voudrait sur le coup, en s’affirmant sainement, on vient de faire le premier pas vers le respect de soi, la fidélité à soi et l’amour de soi. Et plus on se respecte soi-même, plus cela nous attire le respect des autres.

Quelques conseils pour s’affirmer sainement
Parler très peu des faits, qui sont nécessaires seulement pour situer brièvement l’interlocuteur; parler de notre ressenti, de nos sentiments dans la situation. Les faits peuvent toujours être débattus, notre vécu, jamais.

Préciser et préparer ce qu’on a à dire. Pour avoir un message clair, il faut d’abord éclairer ce qui se passe en soi.

Savoir écouter la réponse de l’autre sans l’interrompre.

Choisir le bon moment pour parler. Tenir compte de la disposition de l’autre.

S’exprimer avec fermeté, mais avec calme et gentillesse.

Même si on est en colère, ne pas choisir l’agressivité, car cela provoquera soit une contre-attaque, soit une fermeture.Rarement du respect.

Être précis dans l’expression de nos besoins pour guider l’autre. «J’ai besoin d’être respecté», n’est pas précis. «J’aimerais que si tu veux m’emprunter quelque chose, tu me le demandes avant», c’est précis.

Ne pas reprocher, juger, culpabiliser. Les attaques provoquent des contre-attaques. Parler de notre ressenti dans la situation et de nos besoins et limites.

Savoir faire face à un refus ou une réaction défensive, sans nous écraser et nous taire, sans devenir défensif à notre tour. Essayer de comprendre l’autre avant de chercher à être compris. Chercher une issue gagnant-gagnant.

Éviter de ramener plusieurs déclencheurs de malaise et de retourner dans le passé. Rester avec l’évènement récent.

Ne pas tenir pour acquis que l’autre vous devinera. Personne d’autre que nous-mêmes n’est responsable de nos besoins.

S’affirmer ne signifie pas s’imposer, mais se positionner. Ce n’est pas rendre l’autre responsable de nos malaises, c’est s’exprimer pour chercher comment prendre soin de ceux-ci avec l’autre.

Éviter de généraliser avec des «toujours», des «jamais». Cela génèrera une argumentation.

Parler d’un seul problème à la fois.

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