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La communication authentique avec l'autorité



Communiquer authentiquement, c’est être en relation avec quelqu’un d’autre tout en restant en relation dans l’ici et maintenant avec le plus profond de nous-même, c’est-à-dire avec nos désirs, nos besoins, nos émotions, nos sentiments, nos intuitions et nos blessures. Il existe toutefois un type de relation non dépourvue d’affectivité et qui n’en est pas moins important : la relation avec l’autorité. Que signifie le mot autorité ? Qu’est-ce qui perturbe la communication authentique avec les personnes en position d’autorité et qu’est-ce qui la favorise ?

Le phénomène de l’autorité est une réalité qui existe depuis toujours et à laquelle personne ne peut échapper. Dès sa naissance, l’enfant se heurte à l’autorité parentale. À l’école, il découvre celle de ses professeurs. Plus tard, jusqu’à ce qu’il devienne peut-être un jour lui-même une personne qui détient l’autorité, il doit se mesurer avec l’autorité de ses employeurs et avec celle que la société lui impose. Pour mieux saisir ce phénomène de l’intérieur, voyons d’abord le sens du mot autorité.

Sur le plan étymologique, le mot autorité vient du latin auctor, qui signifie celui qui accroît, qui fonde ; il n’est pas un dominateur, un oppresseur ou un dictateur, mais un être d’influence, un leader, un créateur, un éclaireur. Dans le sens que je lui attribue ici, l’autorité ne représente ni un rôle que nous ne nous donnons ni une fonction que nous exerçons, mais un état, une manière d’être. Cela signifie que la personne en autorité est en mesure de s’affirmer, d’assurer l’encadrement, de poser les règles et de les faire respecter avec honnêteté et justice, tout en restant sensible aux besoins fondamentaux des enfants, des étudiants, des clients, des employés, sensible à leurs besoins d’être aimés, reconnus, sécurisés, écoutés et libres d’être eux-mêmes. Être l’autorité, c’est toute une responsabilité. Cela suppose une ouverture à la relation, une volonté de se remettre en question, de reconnaître nos propres erreurs, de s’affirmer, de s’assumer comme autorité et comme personne humaine, une volonté de communiquer authentiquement.

Les obstacles à la communication avec l’autorité
Le premier obstacle à la communication avec l’autorité découle de l’attitude de la personne en position d’autorité. Si celle-ci se montre autoritaire, si elle abuse de son pouvoir, si elle se cache derrière son rôle, si elle nie sa sensibilité et sa vulnérabilité, elle empêchera la communication authentique et, par conséquent, la relation. Lorsqu’une personne côtoie souvent dans sa vie, à travers des figures importantes telles que ses parents ou ses professeurs, un tel type d’autorité, elle connaît une expérience négative de la relation avec l’autorité. Elle risque alors d’effectuer des transferts négatifs sur les autorités qu’elle rencontrera par la suite dans sa vie et de réagir défensivement aux règles, aux limites et à toute forme d’encadrement.

Le transfert
Si une personne fait un transfert sur une autorité quelconque, elle ne peut communiquer authentiquement avec cette autorité, parce qu’elle ne la voit pas telle qu’elle est. Par sa voix, son regard, ses gestes ou ses attitudes, cette autorité déclenche en elle des émotions et des sentiments agréables ou désagréables, vécus et non résolus par rapport à une personne qui a été importante dans le passé. La personne habitée par ces sentiments refoulés les transpose donc dans l’ici et maintenant sur la personne en position d’autorité. Celle-ci devient donc, aux yeux de celui qui fait le transfert, un monstre ou un dieu, suivant que le transfert est négatif ou positif.

La façon de reconnaître un transfert
Je crois qu’il faut beaucoup de vigilance et d’honnêteté pour reconnaître un transfert, et être en mesure de vivre avec cette réalité. Ce phénomène devrait, à mon avis, faire partie de la formation de tous les enseignants et, surtout, de tous les thérapeutes. Un déclencheur venant de l’aidant peut toujours faire naître le transfert. Ce déclencheur inconscient peut être, par exemple, une voix grave ou nasillarde, un ton aigu ou bas, de grands yeux ou des yeux bleus, des mains potelées, des gestes saccadés, etc. Ces détails, auxquels l’aidé est sensible, exercent un impact sur son psychisme et le touchent émotionnellement. Cela s’explique par le fait que la sensation produite par le déclencheur réveille des émotions agréables ou désagréables vécues dans le passé par rapport à un déclencheur semblable. Par exemple, si ma mère parlait sur un ton aigu chaque fois qu’elle me punissait et m’humiliait, le ton aigu fera donc naître le même vécu que suscitait la voix de ma mère et me fera réagir spontanément à l’autorité qui déclenche le malaise, comme s’il s’agissait de ma mère. Lorsque l’aidant est sûr qu’il est en présence d’un transfert, il doit savoir comment travailler avec l’aidé de façon à rétablir la communication.

La façon de composer avec le transfert
Je ne crois pas que nous pouvons régler un transfert par un retour dans le passé. Comme il est déclenché dans le présent, c’est par la relation présente qu’il se dénouera si l’aidant ou la personne en autorité sait composer avec lui. Pour ce faire, la personne aidante doit utiliser les moyens suivants :

a - Elle doit d’abord reconnaître et accueillir les émotions positives ou négatives de l’aidé sans les banaliser, sans les condamner. Le vécu de ce dernier est réel, et mérite d’être entendu et reçu sans jugement.

b - Il est important aussi que l’aidant accueille ses propres émotions engendrées par l’attitude de l’aidé. L’écoute silencieuse de ce qui se passe en lui permet à l’aidant de rester une personne sensible et de ne pas tomber dans des réactions défensives. Il est donc fondamental que le monde émotionnel soulevé dans la situation soit bien entendu par l’aidant, tant celui de l’aidé que le sien.

c - Après avoir pris le temps de bien accueillir les émotions, l’aidant peut faire des observations objectives précises pour permettre à l’aidé de saisir son fonctionnement psychique dans la situation présente et ce, de façon que la relation se rétablisse.

d - Il est important que l’aidant ne laisse pas l’aidé se perdre dans des affirmations non fondées au sujet de sa relation avec lui ou dans des généralités. L’aidé doit prendre conscience de son transfert, et, pour cela, le thérapeute doit être en mesure de lui montrer honnêtement tout ce qui, dans ses paroles ou son attitude, ne correspond pas à la réalité de la relation présente. Cela permettra à l’aidé de constater qu’il est en situation de transfert, et que cela l’empêche de voir l’aidant tel qu’il est et d’être en relation avec lui. Il découvrira ainsi quelle personne de son expérience passée il transfère sur l’autorité présente et il pourra libérer, ici et maintenant, par le fait même, la souffrance refoulée déclenchée autrefois par cette personne.

e -Tout au long du processus, l’aidant doit rester une autorité, mais aussi une personne sensible et touchée par l’autre. Il importe donc qu’il exprime à l’aidé le malaise causé par le fait qu’il n’est pas vu tel qu’il est et qu’il n’est pas en relation. Il est essentiel aussi qu’il ne change pas ses règles, ses exigences, son approche pour ménager l’aidé par peur de ses réactions transférentielles.

Lorsqu’une personne s’assume comme autorité dans l’ici et maintenant dans ses relations tout en restant humaine et sensible à l’autre, elle devient une aide précieuse. Les personnes aidées apprennent alors à vivre la relation avec l’autorité sans se sentir menacées. Par la suite, elles s’habituent également à aborder toute autorité en restant en relation avec elle, en étant capables de communiquer authentiquement, sans l’idéaliser et sans la confronter, dans le respect d’eux-mêmes et dans le respect de l’autre. Le respect est l’un des plus grands facilitateurs de la communication authentique si chacun apprend, dans le cadre d’une relation, à se respecter lui-même et à respecter ceux avec lesquels il est en relation.

Colette Portelance
Créatrice de l’approche non directive créatrice (ANDC), auteure, conférencière et docteure en sciences de l’éducation.Fondatrice du Centre de relation d’aide de Montréal (CRAM)
www.cramformation.com

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