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Créer pour se sentir en vie


Créer est un besoin fondamental de l’être humain et une fonction naturelle chez lui. C’est donc dire que, sans la satisfaction de ce besoin, une partie de notre être meurt en nous.

Créer, c’est donner existence à quelque chose de nouveau. Et pour que créer soit un acte réellement nourrissant pour soi, nos créations doivent donner naissance à quelque chose qui part de nous-même, de notre identité. Créer à partir de qui on est, c’est aussi laisser notre trace dans notre monde.

Les enfants créent spontanément, pourquoi pas nous?

Les enfants ont naturellement le réflexe de créer. Ils découvrent à partir de leurs créations, ils apprennent à partir de celles-ci, ils comprennent le monde avec elles. Ils s’expriment aussi à travers elles. Rares sont les enfants qui ne sont pas inspirés soit par une feuille et des crayons de couleur ou par une boîte de blocs ou plus vieux soit par une fête à organiser, un style vestimentaire à parfaire ou une recherche à effectuer. La spontanéité qui caractérise les enfants et l’encouragement qu’ils reçoivent à laisser exprimer leur pulsion ludique et créative font d’eux des créateurs à temps presque plein. Nous avons tous été enfants, que s’est-il donc passé pour qu’on arrête de créer?

C’est malheureusement les jugements reçus, les expériences d’humiliation, de moquerie ou de dévalorisation de ce que nous sommes et de ce que nous faisons ou créons, qui font qu’au fil du temps, notre pulsion créatrice s’affaiblit pour aller, pour certains, jusqu’à s’éteindre complètement. Le manque d’estime de soi et le manque de confiance en soi s’installent puis augmentent au point de nous éloigner de ce qui nous fait vibrer.

À titre d’exemple personnel, je peux vous citer mon histoire avec le chant.

Ma mère chantait de l’opéra dans la maison quand j’étais jeune. Sa voix puissante, libre et la joie qu’elle semait autour quand elle chantait m’ont inspirée. Dans ma chambre, devant mon miroir, je chantais du René Simard autant que des extraits de Carmen de Bizet. J’aimais découvrir ma voix et en améliorer l’amplitude. Un jour, en revenant de l’école avec mes amis, nous chantions tous en chœur. J’étais heureuse, car j’aimais chanter. Puis, un garçon de la bande s’est mis à rire du trémolo que je mettais dans ma voix. Je me suis sentie humiliée devant tous mes amis. Pendant des années, j’ai arrêté net de chanter devant des gens autres que ma famille immédiate. Ce n’est qu’au milieu de mon secondaire, dans un cours de musique, lors d’un rassemblement avec l’enseignante après la classe, que j’ai osé discrètement rechanter avec trémolo. Le sourire doux de cette enseignante quand elle s’est retournée, surprise, vers moi pour me complimenter sur ma voix, reste inoubliable. Cette femme ignore combien, par ce geste et ces quelques mots, elle a mis de la valeur là où j’avais été ridiculisée, transformant ainsi ma propre image de moi-même face au chant et débloquant ma spontanéité et par le fait même ma créativité.

L’influence de l’entourage

Pour être aimé, accepté et reconnu de nos parents, de nos amis, de nos enseignants, nous développons un faux-soi, une image de ce que nous croyons devoir être pour ne pas être rejeté ou jugé et nous perdons le contact avec notre identité, notre soi réel, notre unicité et donc avec une partie de notre élan créateur et de ce qu’on a d’unique à communiquer.

Quand nous sommes enfants et adolescents, nous sommes inconscients de ce phénomène qui s’opère à notre insu. De plus, nous composons avec les valeurs de nos éducateurs, les marques de leur histoire de vie, leurs qualités, leurs forces et leurs faiblesses et peurs. Parfois, nous n’arrivons pas à choisir de nous épanouir et de nous accomplir à travers le domaine qui nous attire et nous ressemble vraiment, comme ce fut le cas pour Michelle.

J’ai rencontré Michelle, en tant que thérapeute, lors de séances de relation d’aide; elle était en arrêt de travail. Architecte, très bien soutenue à la maison, sans problèmes financiers, heureuse dans son couple et avec ses deux filles, Michelle avait soudainement ressenti qu’elle ne pouvait plus rien donner d’elle à l’entreprise où elle travaillait depuis des années. Les séances de relation d’aide qu’elle a entreprises avec moi, l’ont amenée àconscientiser qu’elle n’avait jamais voulu être architecte. Sa passion était pour les arts de la scène. Jeune, elle avait toujours excellé en théâtre et aurait voulu devenir comédienne. Elle avait même fait ses auditions dans les meilleures écoles et avait été acceptée dans l’une d’entre elles. Ses parents, jugeant son choix insensé et sans avenir, lui avaient interdit l’accès à cette école et avaient annulé l’inscription de leur fille. Michelleavait donc rabattu son choix sur l’architecture et avait fini par se convaincre que ses parents avaient eu raison, considérant cette voie comme un bon compromis, puisqu’elle pouvait créer dans ce domaine.

La suite de son histoire démontre bien combien l’élan créateur doit partir du cœur et non de la raison. Sans quoi, l’individu reste avec un sentiment de vide intérieur, puisqu’il ne crée pas véritablement à partir de son identité. Heureusement, le mal-être de Michelle a été son signal pour lui rappeler qui elle est. À la fin de nos rencontres, elle était en train d’actualiser un projet d’écriture tout à fait original qui la passionnait et qui ressemblait exactement à qui elle est.

Si vous voulez reprendre contact avec votre source créatrice, vous devez d’abord vous brancher sur votre intérieur, sur ce qui vous compose : vos émotions, vos élans, vos goûts, vos sensations, vos expériences, vos passions, vos visions de la vie et de vos relations, vos besoins, vos limites. Vous devez savoir qui vous êtes pour accéder à votre élan créateur. Et vous avez le devoir de choisir de vous entourer de personnes qui croient en vous. Car le regard que les autres portent sur vous a une influence énorme sur le déploiement ou le refoulement de votre potentiel créateur. Ce dernier peut difficilement se libérer si vous vivez dans un environnement de jugements, de culpabilisations, de mépris, de dévalorisations. Entourez-vous de personnes qui aiment qui vous êtes, qui vous acceptent, qui admirent certains aspects de vous, qui vous valorisent et qui vous le disent.

La créativité n’est pas réservée aux artistes!

Il y un mythe qui circule autour de la créativité selon lequel seuls les artistes sont des créateurs. Si toutes les formes d’art (danse, théâtre, peinture, sculpture, dessin, chanson, poésie, etc.) sont effectivement des façons d’exprimer une partie de soi et de donner existence à quelque chose de nouveau, la créativité peut s’exprimer de bien d’autres façons dépendamment des intérêts de chaque personne. Aussi des individus plus manuels exprimeront leur créativité à travers la couture, l’ébénisterie, la conception d’aménagement paysager, la coiffure, la cuisine, la construction, etc. D’autres, plus à l’aise avec l’aspect rationnel, exprimeront leur créativité dans la conceptualisation de logiciels informatiques par exemple ou dans l’élaboration d’une recherche, la mise en place de grilles organisationnelles dans leur milieu de travail ou dans leur famille, dans l’organisation de projets, etc.

Il est donc essentiel d’explorer plusieurs possibilités de création, de toucher à diverses activités susceptibles d’éveiller votre intérêt, pour savoir ce qui vous passionne ou ce qui vous ressemble. Vous n’en ferez peut-être pas un métier mais vous pourrez insérer des projets ou des loisirs dans votre emploi du temps qui vous donneront de la joie de vivre, un sentiment d’exister, de vous réaliser et qui, au bout du compte, augmenteront votre estime de vous-même. Et surtout, n’attendez pas d’avoir le temps ou l’inspiration. Vous risquez d’attendre toute votre vie.

Quelques incontournables pour mettre la créativité au coeur de votre vie!

Évitez les excuses du genre « Je n’ai pas le temps ». Si vous attendez que le temps se libère de lui-même, vous n’en aurez jamais. C’est vous qui devez libérer le temps. Priorisez ce qui est prioritaire. Demandez-vous, par exemple, si les émissions de télévision que vous regardez ou vos échanges sur Facebook sont plus importants ou pas que vos projets de création. N’espérez pas que les conditions extérieures se placent par magie, placez-les vous-mêmes.

Prenez du temps pour vous intérioriser chaque jour. Souvenez-vous que la créativité prend sa source dans qui vous êtes vraiment. Vous devez nécessairement être en contact avec vous-même pour avoir accès à votre richesse intérieure.Il n’est pas nécessaire que ce soit long à chaque fois. La régularité est plus bénéfique que la longueur. Et trouvez votre moyen privilégié pour ces rencontres avec vous-mêmes : méditation, marche en nature, écriture automatique au lever… Ces rendez-vous avec vous-même, au fil de temps, vous permettront de vous unir à l’élan créateur qui est déjà là en vous et qui n’attend que d’être actualisé.

N’attendez pas l’inspiration avant de commencer. Il est vrai qu’au-delà de nos talents, une grande part de nos créations vient de notre irrationnel, de notre intuition, de notre inspiration. Mais toutes ces facultés de l’humain doivent être activées puis écoutées, et ensuite peaufinées. L’inspiration vient rarement du ciel sans qu’on soit prêt à l’accueillir, sans qu’on ait mis la table, sans qu’on ait commencé le travail. Chaque fois que j’ai un texte à écrire, je suis surprise de voir combien c’est au moment où je commence à taper sur les touches de mon ordinateur que mon inspiration prend de l’ampleur. J’écris, j’efface, j’écris, j’écris, j’efface, je doute mais je continue, j’efface beaucoup plus que j’écris et je continue encore. En fait, ce que je porte à l’intérieur de moi cherche son chemin pour s’exprimer et c’est dans le travail, dans l’essai-erreur, dans l’improvisation qu’il le trouve. Quand l’intuition s’unit à la persévérance dans l’action, on entre en contact avec notre soi, avec quelque chose en nous; mais étrangement, en même temps, on s’efface pour s’unir à plus large que nous et à ce qui nous relie à tous les êtres humains. Et c’est de là, qu’émerge une création inspirée. Comme Serge Fiori l’explique en parlant de son processus de création, dans sa bibliographie écrite par Louise Thériault, la création demande d’être totalement présent et en même temps, de « S’enlever du chemin ».

Créer et laisser sa trace

Créer, c’est d’abord exister. Puis, c’est communiquer avec les autres, les atteindre, les nourrir humblement mais nécessairement de ce que nous sommes; car ce que nous sommes les rejoint dans ce qu’ils sont. C’est pourquoi il est viscéral de nous réserver un espace de création dans notre vie. Cela ne fait rien de moins que de contribuer intensément à donner un sens à la vie. Que vous soyez des artistes, des manuels ou des intellectuels, il est précieux de garder votre source créatrice en plein mouvement, de donner libre cours à votre créativité telle qu’elle se présente puisque c’est, entre autres à travers elle, que vous vous sentirez pleinement en vie et que vous laisserez simplement votre trace dans le monde.

« Où est passé tout ce monde qui avait quelque chose à raconter »

Serge Fiori

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