Actualités

Composer avec les situations hors de mon contrôle


Ni la vie ni les autres ne s’accordent toujours au diapason de nos désirs ou de nos besoins. Il pleut pendant nos vacances ; notre maison, à vendre depuis des mois ne trouve pas d’acheteur ; des coupes budgétaires nous font perdre notre emploi ; quelqu’un nous traite injustement par rancune; un proche nous trahit; notre enfant reçoit un diagnostic inquiétant ; nous apprenons que nous souffrons d’une maladie incurable ; notre conjoint nous quitte ; une personne importante meurt… Il arrive à tout le monde d’être dépassé et chaviré par des situations qui sont complètement hors de notre contrôle. Certaines sont banales et ont peu d’impact sur notre vie, comme des orages passagers. Cependant, d’autres sont difficiles à traverser alors que d’autres encore sont carrément dramatiques et nous donnent l’impression qu’un tsunami vient de tout ravager notre vie.

Voyons ce qui se passe en nous quand la vie ou les autres ne vont pas dans le même sens que nos volontés; puis comment mieux composer avec les situations qui sont hors de notre contrôle.

Lutter contre ou abdiquer
Quand un vent trop fort s’abat sur notre vie, quand les autres ne se comportent pas comme on le souhaiterait, et ce, à notre détriment, les émotions désagréables ressenties peuvent être si puissantes, qu’elles deviennent difficiles à supporter. Le réflexe de l’humain qui souffre est de mettre en place des mécanismes de défense inconscients, qui ont pour but d’amoindrir le mal, mais qui, au bout du compte, nous enlisent dans davantage de problèmes. Dans le cas des épreuves sur lesquelles nous n’avons aucun pouvoir, nous pourrions classer ces mécanismes de défense en deux catégories : ceux qui entretiennent la « lutte contre » et la résistance puis ceux qui nous font abdiquer et nous maintenir dans une position de victime.

Que nous mettions notre énergie à nous battre contre la vie, à ramer contre le courant ou encore que nous la perdions à nous apitoyer sur notre sort, aucune de ces deux stratégies ne nous donnera du contrôle là où nous n’en avons pas. Se plaindre et s’apitoyer n’a jamais arrêté la pluie, les vents ou guéri une maladie. Lutter contre ce que la vie nous envoie comme défi ou chercher à contrôler les autres n’a jamais effacé une blessure de trahison, une manipulation ou un abandon. Bien sûr, il ne s’agit pas de nous soumettre aux évènements et aux autres sans broncher. S’engager à prendre soin de soi et à se respecter soi-même n’est pas seulement permis, mais c’est un devoir.

Actions destructrices 
face à une situation qu’on ne contrôle pas
- 
Se plaindre, s’apitoyer
- Ne pas se remettre en question et responsabiliser les autres de notre douleur
- S’isoler des autres, se taire
- Positiver et nier la souffrance
- 
Jouer les forts, faire comme si nous sommes au-dessus de la situation
- 
Se blâmer, se juger pour ce qui arrive
- Blâmer, juger et faire des reproches
- Chercher à contrôler les autres
- 
Chercher à comprendre de façon compulsive, faire des recherches, 
des liens sans cesse
- Chercher à changer la situation
- 
Harceler, se débattre, partir en Croisades, 
s’acharner contre quelque chose ou quelqu’un
- 
Se venger, nourrir la rancune
- Compulser dans l’alcool ou autres
- 
Passer tout notre temps sur des activités qu’on contrôle, le ménage, 
l’organisation familiale, le travail…
- 
Etc.

Néanmoins, on dit qu’il faut choisir ses batailles. Distinguer la bataille réactive qui détruit, de la bataille constructive est essentiel pour poser les actions justes au bon moment. Face aux épreuves, la volonté, la discipline, la force intérieure, un certain esprit de combattant, de l’endurance et de la persévérance sont des qualités primordiales. Toutefois, si ces qualités sont mises au service de nos mécanismes de défense d’attaque, de blâme, de culpabilisation, de rejet, de violence, de vengeance, de rationalisation, etc., elles risquent de détruire les autres, nos relations ou nous-mêmes.

Persévérer à blâmer une personne qui nous a abandonnés, combattre dans un esprit de vengeance celui qui nous traite injustement, se servir de notre force intérieure pour nier notre souffrance quand notre proche vient de mourir, s’acharner à comprendre les tenants et aboutissements d’une maladie jusqu’à en devenir plus malade, ou encore endurer l’intolérable dans une relation toxique sans rien faire, se culpabiliser sans relâche pour ce qui nous arrive; rien de tout cela ne nous apportera le contrôle tant espéré, bien au contraire. Au bout du compte, on se rend compte qu’on s’épuise à ramer contre le courant de la vie et qu’on met notre énergie dans des actions qui ne nous rapportent pas.

Toutes les qualités nommées plus haut doivent plutôt se canaliser pour servir le respect de soi, l’amour de soi et la quête de paix intérieure, à travers des actions justes. Mais comment trouver quelles actions justes poser pour soi, pour être en paix, dans une situation qui nous fait souffrir et qui est hors de notre contrôle ?

Se calmer et prendre soin de notre corps
Face aux situations difficiles, la peur s’installe. La peur de souffrir regroupe toutes les autres : peur de sombrer, d’être abandonné, malmené, de perdre quelqu’un ou quelque chose, d’être rejeté, d’être humilié… Plus on a peur, plus on cherche à contrôler. Et notre mental ne manque pas de faire aller sa petite voix pour nous rappeler les blessures passées et nos croyances limitatives par des pensées d’horreur. « Si tu ne t’acharnes pas sur lui, tu vas te faire avoir ENCORE ; alors, bats-toi, crie, venge-toi. » « Si tu te laisses pleurer ton deuil, tu vas sombrer dans le désespoir comme quand ta mère est morte quand tu étais enfant ; alors, ne bronche pas cette fois. » Malheureusement, si on se laisse mener par nos peurs, dans de telles situations, nous risquons de passer à côté de nos besoins réels du présent.

Par contre, dans le tumulte intérieur que causent nos peurs et notre souffrance face à l’évènement, il est si difficile de voir clair.

Dans ces périodes hors de notre contrôle, si nous n’avons pas le pouvoir sur l’évènement lui-même, nous avons le pouvoir de nous calmer. Il est essentiel de prendre les moyens de se calmer, comme on le ferait pour un enfant qui a peur, parce que si la peur prend toute la place, il nous est impossible de choisir l’action juste, celle qui sera guidée par nos besoins. D’abord, on peut se répéter qu’au moment présent, il n’y a pas de danger, qu’on a tout ce qu’il faut pour traverser l’épreuve. Non pas pour nier la peur ou la souffrance, mais pour redonner la place aussi à la confiance, à la foi, et à l’ici-maintenant. Dans le moment présent, il y a toujours un espace où on est à l’abri de tous les dangers qu’on imagine, puisque ceux-ci sont dans le futur.

Respirer, relaxer, méditer, être en silence, arrêter de s’activer et écouter le silence sont autant de moyens pour tranquilliser notre corps et notre esprit. Bouger, faire de l’activité physique ; notre sport préféré a le précieux avantage de libérer le corps des tensions et de calmer l’esprit également.

Accepter la situation : 
le tunnel, c’est l’enfer
Voilà qui est beaucoup plus facile à dire qu’à faire : accepter et lâcher-prise. Parfois, la situation dans laquelle on se retrouve est si terrible que le simple fait de se faire dire d’accepter nous fait réagir. Comment accepter l’inacceptable ? Comment accepter une situation si douloureuse ? Je sais, ça semble impossible et quelquefois, on n’y arrive tout simplement pas. Parfois, on est dans le tunnel de l’enfer. Et dans ce cas, il n’y a qu’une chose à faire : accepter qu’on n’accepte pas. Et ressentir aussitôt le bienfait dans notre corps, la détente instantanée, due au simple fait d’arrêter la bataille intérieure. C’est un premier pas !

Accepter, ce n’est pas se résigner, subir ou approuver, comme le dit Colette Portelance. Accepter, c’est arrêter de lutter contre ce qui est pour pouvoir avancer vers l’action juste dans la situation. C’est nager dans le sens du courant de la vie, donc de la situation, et non perdre notre énergie à résister. C’est accepter de perdre ce à quoi on s’accroche si désespérément, pour trouver comment ne pas se perdre soi et prendre la meilleure décision possible pour soi dans la situation, à chaque instant.

L’acceptation ne se fait pas par la raison, mais par le corps d’abord ; c’est pourquoi s’occuper de calmer son corps et bouger est si important. Toutefois, si « accepter » la pluie du jour se fait assez facilement, certains passages de la vie ne s’acceptent pas du jour au lendemain. Et alors, il faut absolument parler de ce qu’on vit.

Pleurer, parler et s’entourer
Accepter la situation ne veut pas dire ne plus ressentir de douleur par rapport à elle. Au contraire, c’est aussi accepter toutes les émotions que l’on vit dans la situation. Vous n’avez qu’à repenser à une telle situation vécue dans votre passé ou en ce moment pour rappeler à votre mémoire affective l’intensité de la douleur et de l’inconfort générés par l’impuissance, la rage, la colère, la déception, les peurs, l’angoisse, l’incertitude, la douleur de perdre, le désespoir, etc.

Ces sentiments et ces états suscités par ce genre d’épisodes peuvent vite devenir insoutenables et provoquent en nous des élans souvent destructeurs et stériles si on n’en prend pas soin en leur faisant une juste place. Parler, pleurer, exprimer toutes ces émotions intenses à un ami ou à un professionnel de la relation d’aide, et ce, plusieurs fois s’il le faut, c’est primordial. Il n’y pas de honte à avoir des émotions, aussi intenses soient-elles et être écouté a un effet si apaisant et libérateur, en plus d’avoir comme bénéfice d’éclairer l’esprit et de mener plus rapidement à l’action juste pour soi.

Choisir l’action juste donne la paix
« Lâcher prise, c’est cesser de vous battre et de vouloir tout contrôler pour passer le relais à la partie irrationnelle de votre être lorsque vous êtes confronté aux limites de la partie rationnelle et aux limites de votre corps. C’est faire totalement confiance à votre intelligence intérieure. » — Colette Portelance, Les 7 étapes du lâcher-prise

Dans la résistance à ce qui est, les idées que nous avons sont limitées. Elles viennent du mental, du connu et sont donc souvent menées par la peur. Pour trouver l’action juste pour soi, c’est à une autre voix qu’il faut prêter l’oreille, celle de notre intelligence intérieure, de notre intuition, de notre ressenti. Être à l’écoute, être ouvert à l’inconnu, à une nouvelle idée. Demander une réponse à cette dimension en nous qui sait, qui sent, qui peut nous guider. Puis rester attentif.

Une réponse peut vous arriver sous forme d’une idée soudaine qui apparaît comme une illumination pour vous. Ou encore par une image, un symbole qui monte à votre esprit. Ou un rêve. Il se peut que ce soit les mots d’une chanson, les paroles d’un ami ou même d’un inconnu qui vous frappent ce jour-là et vous donnent votre réponse. On reconnaît la bonne réponse pour soi, non pas nécessairement par sa logique, mais par le sentiment de paix profonde qu’elle nous procure.

Je me souviens de m’être retrouvée dans une situation insécurisante et douloureuse face à un projet de vie important. Quelque chose me poussait pourtant à rester dans cette situation et à persévérer, malgré qu’en apparence, les choses ne semblaient pas favorables du tout pour moi. Plusieurs de mes proches s’inquiétaient de mon choix et doutaient de l’issue positive de mon projet. Je doutais moi-même bien sûr; en surface, dirais-je. Mais au fond de moi, il me semblait bien avoir une certitude que je faisais la bonne chose en persévérant. Pourtant, j’étais toujours dans l’incertitude, prise entre les messages de ma raison, mes émotions, mes peurs, mes espérances et par le souvenir de mes expériences passées et les petites voix saboteuses qui me menaçaient d’un danger imminent. Je ne savais plus quoi faire, quelle action était la bonne pour moi. J’ai demandé à ma voix intérieure, j’ai fermé les yeux, je me suis centrée sur le moment présent et la réponse reçue s’est manifestée sous forme d’image. J’ai vu deux modules spatiaux s’arrimer tout doucement, l’un à l’autre, dans l’espace. La manœuvre était délicate et demandait d’aller très lentement et d’être très patiente. Face à cette image, j’ai su ce que je devais faire : avancer tout doucement vers le point d’arrimage souhaité et être très patiente. Je me suis sentie en paix à ce moment-là, puis chaque fois que je repensais à cette image qui m’a servi de symbole pendant les longs mois d’angoisse et de travail pour arriver à mon but. J’ai persévéré, j’ai été très patiente et effectivement, mon projet a abouti comme je le souhaitais.

Patience et foi
Comme beaucoup d’entre nous, dans cet exemple, je cherchais le contrôle là où je ne l’avais pas. Aller vite au résultat, changer le processus, changer la situation. Plutôt que d’utiliser mon contrôle là où je l’avais : cultiver ma patience et ma foi.

Je me souviens d’un jour, alors que je passais dans un des tunnels de ma vie, une collègue qui était passée par la même épreuve m’a dit: «Pour l’instant, c’est le désert. Tu as l’impression de ne pas avoir de contrôle et que rien n’avance. Mais il y a des choses qui se passent en ce moment que tu ne vois pas. Et un matin, tu ne sais pas pourquoi, il y aura une tige verte qui aura poussé dans ton désert. Ce sera l’annonce que la fin du tunnel approche. » Je n’ai jamais oublié cet espoir de la tige verte et j’y ai mis toute ma foi en la vie et en moi.

N’oubliez pas, il y a toujours, toujours une sortie à la fin des tunnels.

© 2024 Centre de relation d’aide de Montréal inc. CRAM, ANDC, APPROCHE NON DIRECTIVE CRÉATRICE & le Service ANDC-AIDE sont des marques de commerce (MD). Tous droits réservés.